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En Malaisie, les immigrées traitées en esclaves domestiques



Libération Charles Dannaud - 19 juin 2012 - Quand les ambulanciers ont trouvé le corps sans vie et couvert d’ecchymoses de Mei Sichan, le 31 mars dans une habitation du nord-ouest de la Malaisie, il ne pesait plus que 26 kg. L’employée de maison cambodgienne de 24 ans est morte de faim, selon le rapport de police. Le couple qui l’avait embauchée, inculpé pour meurtre, encourt la peine de mort par pendaison. En 2011, au moins neuf employées de maison cambodgiennes sont décédées à force de coups et de privations.

Environ 200 000 domestiques immigrées (dont 30 000 Cambodgiennes) travaillent légalement en Malaisie, sur un total de 3 millions de travailleurs étrangers pour 28 millions d’habitants. Mais aucun cadre juridique ne fixe les droits de ces femmes, soumises au bon vouloir de leurs patrons et des agences de recrutement. C’est cet état de fait, associé à un « climat d’abus des droits de l’homme », qui, selon l’association Jump, un réseau de soutien aux migrants et aux réfugiés, conduit à des drames tels que celui de Mei Sichan.

Des témoignages terribles d’anciennes femmes de ménage cambodgiennes en Malaisie ont été publiés en 2011 dans un rapport de l’Uniap (le Programme interagences des Nations unies sur le trafic des êtres humains). Ils corroborent ceux recueillis par les associations malaisiennes d’aide aux migrants : interdiction de sortir de la maison et d’entrer en contact avec quiconque, passeport confisqué, travail de l’aube à la nuit, sans jour de congés, salaire versé à la fin du contrat (deux ans, le plus souvent), amputé de frais à la discrétion des employeurs… Insultes, coups, sévices et violences sexuelles sont de surcroît le lot commun de ces travailleuses. Quand ce n’est pas la mort.

Un accord bilatéral a été signé sur ce sujet entre la Malaisie et l’Indonésie, son plus grand pourvoyeur de femmes de ménage. Celui-ci prévoit un salaire mensuel minimum de 700 ringgits malaisiens (175 euros), un jour de congé hebdomadaire, l’interdiction faite aux employeurs de conserver le passeport de leur employée, ainsi que le droit de cette dernière à communiquer avec ses proches et à porter plainte. Mais, excédée par le manque d’entrain des autorités malaisiennes à protéger ses ressortissantes, Jakarta a suspendu en 2009 leur envoi pendant trois ans.

Bien que cette interdiction n’ait jamais été entièrement respectée, les agences de recrutement malaisiennes s’étaient tournées vers le Cambodge. Jusqu’à ce que celui-ci n’interdise à son tour, en octobre 2011, et pour les mêmes raisons, à ses ressortissantes de travailler en Malaisie. Mei Sichan avait quitté son pays deux mois avant cette décision.


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Publié sur OSI Bouaké le samedi 30 juin 2012

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