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En Afrique, les femmes séropositivent


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Libération - Eric Favereau - 09/03/2011 - Depuis le début de l’épidémie de VIH   dans les pays du Sud, on était resté sur une vieille image, celle de la femme africaine épuisée par le virus du sida  , impuissante devant les événements.

Lundi, à Dakar, une série d’études sur le thème « les femmes à l’épreuve du VIH   dans les pays africains » a ébréché ce stéréotype : les femmes africaines ont changé. Profondément. Certes, elles continuent de mourir en masse du sida  , mais elles vivent aussi avec le virus. Elles s’y adaptent, créent des espaces, se soignent, développent des stratégies, font des enfants, vieillissent aussi avec le sida  .

En 2011, soit près de trente ans après le début de l’épidémie, y a-t-il un visage type de la femme africaine séropositive ? « C’est celui d’une jeune femme de 30 à 34 ans, mariée ou veuve, tente de décrire Alice Desclaux, anthropologue et chercheuse à Dakar, qui a coordonné ce travail. Elle a été contaminée avant 25 ans, souvent dans le cadre d’un rapport sexuel conjugal, elle a découvert son statut à l’occasion d’une grossesse. » Cette chercheuse poursuit : « Dans son couple, elle est la première à avoir été diagnostiquée. Elle vit en zone urbaine, ne pratique pas la "concomitance sexuelle". Et a débuté un traitement. » Mais c’est aussi une femme vulnérable devant le virus, avec toujours aussi peu de moyens pour se prémunir. Les femmes représentent ainsi plus de la moitié des nouvelles contaminations, comme le souligne encore l’Onusida  .

Surprise. Suivons, ensuite, le parcours de l’infection, avec la découverte de la séropositivité. Une étude menée au Burkina Faso par Carla Makhlouf, de l’Organisation mondiale de la santé, pointe des différences très significatives d’attitude entre les hommes et les femmes : les premiers sont souvent peu étonnés de découvrir qu’ils sont séropositifs. En revanche, plus d’une femme sur deux se dit surprise. « Je ne m’attendais pas à recevoir ce résultat positif, car j’étais fidèle à mon partenaire », témoigne une jeune Burkinabée. Des femmes surprises par l’infection, mais des femmes beaucoup moins passives ensuite. Elles se font ainsi traiter beaucoup plus que les hommes. Les travaux présentés à Dakar indiquent que les femmes ont un meilleur accès au système de santé, bien souvent via la grossesse. « La réponse au traitement est similaire, voire meilleure chez les femmes », précise même Philippe Msellati, chercheur à Yaoundé, au Cameroun.

Une autre étude, effectuée au Cameroun, s’est penchée sur l’acceptation des traitements. Le clivage est, là aussi, impressionnant : souvent, les hommes africains ne disent rien, ils ont honte, cachent leur prise de médicaments. A l’inverse, pour les femmes, le centre de soins est un lieu de sociabilisation. « Moi, je parle, je discute avec les autres quand je viens pour prendre mes traitements », raconte une Camerounaise. Pour les soignants, les femmes sont « réceptives », les hommes « réticents ».« Avec le traitement, les femmes voient qu’elles vont mieux, elles sont portées par la nécessité de survie », explique une chercheuse.

« Stratégies ». Mais comment vivre pour autant ? Dans les grandes métropoles africaines, les femmes arrivent, de plus en plus souvent, à s’adapter, comme le montrent plusieurs recherches. Marie, 35 ans, ivoirienne, mariée : « Quand tu prends des antirétroviraux, tu te métamorphoses au point qu’on a l’impression que tu n’as rien, tu grossis, tu deviens belle, la vie ne s’arrête pas… » Amie, 34 ans, sénégalaise : « Lorsque l’on m’a annoncé que j’avais le VIH  , je pensais que c’était fini, que je n’aurais plus d’enfant, mais j’ai rencontré à l’hôpital des femmes comme moi avec leurs bébés, et elles m’ont dit que c’était possible d’avoir un enfant sans le contaminer, je suis allée dans un groupe de parole… Lorsque je me suis remariée, il y a deux ans, j’ai planifié le moment pour tomber enceinte, j’ai eu une semaine de retard, après j’ai fait le test, le résultat était positif. »

« Ce sont des changements importants, analyse, à Dakar, Khoudia Sow, chercheuse qui a suivi un groupe de femmes sénégalaises. Avant, lorsqu’une femme apprenait qu’elle était séropositive, il y avait un désinvestissement de la sexualité, elle se retirait de la vie. Ce n’est plus le cas, leur vie continue. » « On le voit nettement, les stratégies féminines et les perceptions collectives ont beaucoup évolué au cours de la dernière décennie », précise Alice Desclaux.

« Tout n’est pas gagné », tempère Astou Diop, qui préside l’association féminine sénégalaise Aboya, ajoutant joliment : « Les femmes prennent des visages multiples dans une épidémie qui reste complexe. Mais le point le plus fragile reste leur indépendance financière : plus de 90% ne sont pas indépendantes. »


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Publié sur OSI Bouaké le mardi 26 avril 2011

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