OSI Bouaké - Didier Lestrade, président d’Act Up de 1989 à 1992 : « Nos années de travail n’ont pas été récompensées » Accueil >>  VIH/Sida

Didier Lestrade, président d’Act Up de 1989 à 1992 : « Nos années de travail n’ont pas été récompensées »



Libération - Matthieu Ecoiffier — 20 août 2017 - « Act Up, c’est la plus belle expérience de ma vie, malgré tous ses côtés désagréables. Je pense à nos disparus, je me demande ce qu’ils auraient dit ou fait, malgré nos divergences. Cleews Vellay, Guillaume Dustan. Et Luc Coulavin : c’était mon meilleur ami et il me manque tout autant que mon boy-friend, mort à New York en 1992. Et puis je dois être la seule personne de presque 60 ans qui a monté les marches du tapis rouge de Cannes tout en étant au RSA. Je suis au chômage depuis dix ans. Les seules personnes qui écrivent encore sur le sida   et le militantisme, comme Christophe Martet ou Gwen Fauchois, sont dans la même situation. Nos années de travail n’ont pas été récompensées. Mais il y a vraiment eu une génération Act Up, une force générationnelle derrière ce mouvement politique. Les trentenaires aujourd’hui nous voient comme nous considérions les anciens combattants après-guerre : ils nous respectent mais n’ont pas envie d’entendre parler de nos luttes tout le temps. « Je suis à Act Up » voulait dire que l’on faisait des choses que les autres ne faisaient pas. On formait les nouveaux politiquement, on les bombardait d’actions avec une intensité sans rapport avec la vie de tous les jours. A chaque départ, on était tristes car on pensait que c’était un échec pour le groupe alors que l’intéressé avait simplement donné toute son énergie. J’en ai vu beaucoup en burn-out. Le poids d’Act Up était lourd, l’engagement tellement personnel. Act Up nous a marqués, non pas d’une identité sérologique car cela ne nous posait pas de problème, mais dans le fait de s’exposer soi-même publiquement et politiquement. Quand on prend l’habitude d’être transparent, de tout dire, lorsqu’on pratique cet empowerment qui consiste à ne rien lâcher avant d’avoir obtenu gain de cause… cela te libère, mais cela te pèse aussi. Ce qui a aussi distingué l’activisme d’Act Up, c’est le rapport au corps, comme l’a relevé Robin Campillo dans son film.

Aujourd’hui, seule l’association basque Bizi, qui lutte contre le réchauffement climatique, reprend les codes d’action d’Act Up. Trente ans après, ce sont des hétéros écolos basques qui prennent la relève des gays et lesbiennes parisiens en lutte contre le sida  . Il y a un parallèle évident entre l’urgence qui caractérise les deux luttes. Je ne sais pas si les jeunes sont intéressés par des actions de rue. C’est l’indignation sur les réseaux sociaux qui s’est révélée moderne. En France, il y a une association de journalistes LGBT (l’AJGL) qui fait le boulot de « chien de garde » que font les activistes américains de Glaad (Gay & Lesbian Alliance Against Defamation) pour alerter en cas de problème. Sur Facebook, on voit bien qu’il y a une énorme attente. Pour l’instant, on n’en est qu’au début, mais il existe une communauté politique sur Facebook ou Twitter prête à s’engager pour les droits des personnes LGBT. Or ils ne savent pas quoi faire. La cible numéro 1 pour moi, c’est Sens commun, ce petit groupe de cathos tradis et réacs. Cette lutte pourrait être un élément fédérateur de la communauté LGBT. Car tout le monde sait que c’est sur notre dos qu’ils ont acquis une influence démesurée. Et qu’il est temps de leur rabattre le caquet ! »


VOIR EN LIGNE : Libération
Publié sur OSI Bouaké le mercredi 23 août 2017



LES BREVES
DE CETTE RUBRIQUE