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Controverse sur le rôle du FMI dans l’épidémie d’Ebola



Quotidien du médecin - 20/01/2015 -

Une vive polémique agite les milieux universitaires anglo-saxons depuis quelques semaines : y a-t-il un lien entre les politiques budgétaires restrictives menées en Afrique depuis les années 1980 et le déclenchement de l’épidémie d’Ebola ? Plus précisément, le Fonds Monétaire International (FMI), en imposant des coupes drastiques en échange de ses prêts, a-t-il affaibli les systèmes de santé des pays touchés au point de les rendre incapables de réagir correctement ?

Le débat a été lancé le 22 décembre 2014 par un article publié dans le « Lancet » qui soutenait la thèse de la responsabilité de l’institution basée à Washington. Alexander Kentikelenis, Lawrence King, Martin McKee et David Stuckler, chercheurs basés dans des universités anglaises prestigieuses comme Oxford, Cambridge et la London School of Hygiene and Tropical Medicine, y soulignaient les effets délétères des politiques exigées par le FMI : diminution des dépenses publiques qui se traduisait directement en termes de ressources humaines, limitation des salaires qui démotivait le personnel, décentralisation des services de santé qui empêchait d’envisager une réponse forte et coordonnée en cas d’épidémie...

Réfutations

La réponse du FMI n’a pas tardé. Le 5 janvier, le directeur adjoint de l’institution chargé des affaires fiscales, Sanjeev Gupta, répliquait dans les colonnes du « Lancet ». D’après ce haut fonctionnaire international, les assertions des chercheurs anglais sont tout simplement fausses : les dépenses de santé sont d’après lui en augmentation depuis des années dans les trois pays frappés par Ebola, et l’institution à laquelle il appartient a contribué à ce résultat en finançant les secteurs prioritaires.

Mais dès le 30 décembre, le débat s’était étendu à la presse grand public.

Dans un billet publié sur le blog Monkey Cage du Washington Post, le Pr Chris Blattman, qui enseigne les sciences politiques à l’université de Columbia, tirait une salve d’une rare violence contre la thèse d’une responsabilité du FMI dans le déclenchement d’Ebola. D’après lui, l’analyse publiée dans le « Lancet » « n’a tout simplement aucun sens pour ceux qui connaissent les gouvernements de ces pays ». L’universitaire américain y voit « plus d’opinion que de preuve », et accuse les auteurs « de faire de la recherche à distance et d’ignorer la politique ».

D’après le Pr Blattman, ce n’est pas le FMI, mais les États qui ont décidé d’allouer des ressources insuffisantes au secteur de la santé. Le débat s’est alors emballé : les auteurs de l’étude du « Lancet » ont répondu au Pr Blattman dans les colonnes du Washington Post, et des économistes ont donné leur avis sur leur blogs personnels, que ce soit pour défendre le FMI ou pour prendre une position plus mesurée.

Pour l’instant, le monde francophone est resté relativement à l’écart de cette polémique. Pour combien de temps ?


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Publié sur OSI Bouaké le samedi 24 janvier 2015

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